Les heures noires. 29/08/2020

Chadewick Boseman, acteur reconnu mondialement pour ses rôles de James Brown dans Get On Up ou T’Challa dans Black Panther est mort hier à 43 ans, sans que la police n’y soit pour quelque chose. Cancer du colon. Drame pour tout un tas de gamins noirs qui raccrochés à cette figure Marvel, la première du genre à mettre enfin un acteur de couleur en tête d’affiche d’un blockbuster moderne, dans un pays ravagé depuis 500 ans par le racisme et la suprématie blanche. Les colons, ce cancer. Eux-mêmes descendants d’hommes noirs, ayant pris le temps de pâlir au soleil d’une Europe qui n’en portait pas encore le nom, ni les envies délirantes de dominer un monde alors inconnu et sans frontières.

Puis lors, dès l’invention des bibles et des mythologies en tous genres (les mecs auraient pu écrire pour Marvel !), les religieux blancs ont décidé, d’un commun accord, que tout ceux qui ne seraient pas de la même couleur qu’eux seraient forcément inférieurs, ceux qui ne prieraient pas le même Dieu seraient forcément hérétiques et ceux qui vivraient en pagne en suivant les cycles naturels, de dangereux sauvageons psychopathes. Depuis Colomb, cet autre cancer érigé en héros des temps modernes, Hitler et d’autres génies aussi visionnaires qu’humanistes, les européens ont dominé à peu près tous les continents, pillant, massacrant et violant allègrement les cultures et les richesses, faisant de l’esclavage un métier rentable et respectable avant de laisser exsangue des dizaines de pays et de peuples.

En 2020, les mentalités n’ont guère évolué aux Etats-Unis, même si certains noirs sont devenus chauffeurs des bus où leur grands-parents étaient encore cantonnés aux sièges arrière dans les années 60. Il y a 60 ans…Certains sont devenus des stars du rap, du basket, du foot américain ou de la chanson pop. Mais dans l’Amérique de Trump, un noir reste seulement un délinquant et une menace potentielle. Dans un pays où les tueries de masses quotidiennes sont le fait d’anciens militaires blancs, de satanistes blancs ou de suprémacistes blancs, toujours prompts à aider Trump à sauver le pays d’une invasion généralisée et à gagner des élections qui semblaient perdues. A l’heure où la Nouvelle-Zélande condamne à vie le tueur de Christchurch, les raclures de bidet américaines qui hantent les rangs de la police et des groupes extrémistes semblent s’épanouir au grand jour, alors que semble s’approcher inexorablement l’idée d’une guerre civile, à laquelle American Nightmare et Hollywood nous préparent depuis quelques années. Le chaos comme seule réponse au manque d’intelligence. La haine comme seule alternative à la politique. Trump est un dangereux psychopathe à côté duquel, le Covid 19, l’ouragan Laura et le dernier Katy Perry sont des menaces bien dérisoires.

 Jacob Blake a pris sept balles dans le dos, à bout portant, devant ses enfants. Même au Far-West les duels se faisaient de face, en bonhomme. Mais là, c’est toute l’Amérique qui vacille et qui pose un deuxième genou à terre, à peine trois mois après George Floyd. Le reste du monde regarde, impuissant, le rêve américain devenir cauchemar planétaire. Et les slogans brandis sous le coup de l’émotion, Black Lives Matter, Wakanda Forever, ne suffiront plus à l’heure d’éradiquer une des plus grandes menaces planétaires, Trump, ce cancer tenace et contagieux qui emporte avec lui tous ceux qui ont bâti leur vision d’un monde idéal sur des valeurs perfides et virtuelles : l’argent, la couleur de peau et la religion.

Aucun super-héros ne pourra malheureusement sortir le pays de l’ornière et de la violence dans lequel il s’est construit. Mais des bulletins dans l’urne pour Joe Biden (cet ultime espoir de 77 ans !), contribueront peut-être à ralentir la chute.

Get up !


 

La Calabre et les Pouilles. 21/08/2020

Alors voilà qu’on s’absente 15 jours pour aller respirer le Covid des autres et que pendant ce temps-là, une bonne partie des français le chope tranquillement comme une vulgaire tourista dans un pays sous-développé. Mais c’est des jeunes, ça va, c’est robuste ! Ca mange des pizzas et des tacos, ça boit du Sprite et du Red Bull, ça se lave peu, le corps en a vu d’autres. Et comme les vieux s’abritent pour échapper à la canicule, ben du coup les travailleurs hospitaliers s’étiolent, sans pouvoir dilapider les sommes indécentes versées par le gouvernement après la première vague. Et puis c’est con, mais si on avait pu tester les gens dès avril (comme dans n’importe quel pays civilisé), on s’apercevrait avec effroi que la moitié du pays l’a déjà eu…Faut-il en rire ou en pleurer, à l’heure des fermetures et des licenciements en tous genres, des reprises de championnat, des dépôts de bilan et des bilans personnels qui donnent envie de s’exiler pour finir ses jours au calme ?

Oui mais où ? nous réponds du coup ce tour-operator qui n’a plus que la Meuse et le Puy du Fou pour exciter le voyageur frustré qui a eu le courage de ne pas aller en Bretagne. Le monde est à l’arrêt, la Californie brûle, l’Amérique du Sud tremble, l’Asie se bride…On renverse des présidents au Mali et des pronostics en Ligue des champions, on explose des ports au Liban (et on est depuis sans nouvelles de Carlos Ghosn…), on martyrise des chevaux et des canards dans des élevages français, on oublie éhontément de se préoccuper du secteur de la culture (la discrétion de Roselyne sur le sujet est proportionnelle à sa truculence télévisuelle), on truque des élections en Biélorussie, on cherche à en empêcher d’autres aux Zuessa , alors qu’en Russie on empoisonne des opposants au régime.

Perso pendant ces vacances, je me suis également opposé au régime et j’ai pris 3 kilos. Parce que la vie, parce que la décontraction, parce que la générosité des italiens qui te vendent des pizzas à 5 euros, des plats de pâtes copieux à 4 euros, des mojitos à 6 et des glaces fondantes à 2 euros. Quand dans certains pays on paye le double (ou le triple) pour des produits bien moins qualitatifs et moins fraîchement cueillis…Mais quand c’est une habitude de se faire enculer à sec au quotidien, les larmes nous empêchent de voir la réalité en face.

Alors le français de souche nous rétorquera, l’œil torve, et le pastis humide que l’on peut aller y vivre dans ce pays de ploucs qui ne produit même pas un beau football, ni un bon vin, qui parle avec les mains, qui n’a donné à la musique populaire que Ricchi e Poveri ou Al Bano & Romina Power (parce que Verdi, Vivaldi, Nino Rota ou Morricone sont allemands, c’est bien connu), qui conduit encore plus mal que n’importe quel chauffard français non alcoolisé, qui parle avec les mains, mais très fort, qui n’a même pas su garder le tableau le plus célèbre de Leonard de Vinci, l’inventeur du selfie, qui a piqué les pâtes aux chinois pour se la raconter grâce à Marco Polo, qui a éradiqué les indiens pour se la péter grâce à Christophe Colomb, qui a inventé la vulgarité vestimentaire grâce à Versace, Dolce & Gabbana ou Armani, ces fournisseurs officiels de la télé-réalité et des banlieues bling-bling, qui a l’indécence de fournir des jouets hors de prix à des joueurs de foot immatures avec ses Ferrari, Lamborghini ou autres Maserati alors qu’on a des Laguna et des Citroën Cactus au top, qui parle avec les mains, que Pasolini, Rossellini, Fellini ou Mastroianni ne sont connus que chez les intellos, qu’à la rigueur Monica Bellucci, Claudia Cardinale ou Sophia Loren ça passe, que Venise c’est ringard (mais on y a passé une nuit de noces fantastique à se gondoler !), que la mafia ça gangrène tout (mais on a voté Macron et putain Le Parrain et Gomorra ça défonce !), que la Fiat 500 ça vaut quand même pas une bonne Mini Cooper pour assortir au chihuahua, que le Spritz c’est quand même aussi dégueulasse que la Suze et que de tout façon entre le Vésuve, l’Etna, les ponts qui tombent et les tremblements de terre, on est quand même mieux chez nous !

Effectivement. Pour toutes ces raisons, je vais acheter rapidement un bout de terrain couvert d’oliviers vers Monopoli, un labrador muet et un vieux Vespa délavé. Retour aux joies simples, à la nature, aux cris des mouettes, bien moins assourdissants que ceux des blaireaux qui pullulent par ici. Nous nous aimerons masqués mais libres. La vie devrait être aussi légère qu’une chanson italienne, aussi élégante que Paolo Maldini, aussi généreuse qu’une actrice fellinienne, aussi douce qu’une nuit à Lecce (il n’y a aucun jeu de mots ici), aussi truculente qu’un opéra de Puccini. Avec juste un peu d’ail et d’huile d’olive pour faire glisser.

Prenez-soin de vous et de ceux qui n’en sont pas capables.